« J’arrive au village.  Enfin, j’étais pas tout à fait arrivé. Parce que le village, il est en deux parties, en fait. Mais la première, c’est pas encore vraiment le village. Et du coup y’avait personne. Ni au début… parce que même dans la partie du village où c’est pas le village y’avait personne. Ça, ça change rien ».

Perceval, dans la série Kaamelott, Livre III épisode 12, "La Poétique, partie 1"

Structurer son histoire

L'écriture d'un roman, ou plus largement l'art de raconter une histoire, c'est quelque chose de plus que d'écrire tout ce qui nous passe par la tête. L'écrivain est d'abord un conteur, dont la principale mission est de transmettre le récit qu'il raconte. C'est la difficulté à laquelle se heurte le pauvre Perceval dans la série Kaamelott, d'Alexandre Astier. Fort heureusement son roi va l'aider, en usant de toute la patience que requiert l'exercice, à apprendre le fonctionnement d'une bonne histoire.

Arthur :  Aristote dit qu’un tout est ce qui est ce qui est constitué d’un début, d’un milieu… et d’une fin. C’est pour ça qu’y’a l’histoire des trois actes.

Perceval : Les trois actes c’est les bonnes femmes qui sont mi-taupes, mi-déesses et qui ont forcés les mecs de Bethléem à construire les pyramides.

Arthur se fige pendant un moment.

En un mot : pour que votre récit soit officiellement un récit, il vous faut une situation initiale, des aventures, et une situation finale. C'est sans doute bête de le rappeler, mais bon nombre d'aspirants à l'écriture se perdent en descriptions d'univers parfois fabuleux, mais sans avoir d'histoire à raconter.

Pour éviter de se perdre, il est recommandé de faire un plan de l'histoire que l'on veut raconter. Sur la méthode à employer pour le concevoir, on vous renvoie à la bibliographie à la fin de l'article.

Cette logique s'intègre dans le long travail préparatoire nécessaire avant la rédaction à proprement parler.

Le plan a pour vocation de concevoir le squelette de votre trame narrative. Il doit vous permettre de devenir le maître de votre histoire, et d'anticiper toutes les questions que vous allez devoir vous poser : 

• Qui sont les principaux personnages ?
• leur caractères, leurs forces, leurs faiblesses ?
• Pourquoi se lancent-ils dans cette aventure ?
• Quels sont les principaux enjeux ?

Toutes les réponses vont se trouver dans la structure de votre récit.

Agir ainsi vous permet également de ne plus avoir le problème de la page blanche : car vous saurez à tout moment à quel point de l'histoire vous en êtes, et où vous allez.

Bien entendu, ce n'est qu'une philosophie parmi d'autres. Certains auteurs, comme Pierre Bordage ou Maurice G.Dantec se sont au contraire targués d'avoir agi complètement différement, et de laisser l'histoire apparaître petit à petit. Il n'en demeure pas moins que ce mode d'écriture demeure assez risqué  si l'on veut venir à bout de son histoire, et suppose une discipline encore plus forte au cours du travail de rédaction.

En revanche, ne croyez pas que le reste sera une sinécure. Une fois ce travail de fond effectué, c'est-à-dire une fois que vous avez la structure de votre histoire, reste encore la forme. Et là, tout dépendra de vous. De votre ressenti, de votre style. Cette fois, il n'y a pas de règle : vous faites ce que vous voulez, et rien ne garantit que ce sera bon. Car si vous avez répondu à la question "quelle histoire vais-je raconter ?" reste à savoir "comment je vais la raconter ?".

Allez-vous nous donner le point de vue du personnage principal ? Ou d'un personnage secondaire ? Votre histoire sera-t-elle un lointain souvenir raconté par un personnage vieillissant, comme dans Fatalis ? Ou peut-être allez-vous entremêler les récits de plusieurs personnages, comme dans Warm Blue ?

Vous pouvez même être encore plus original, et la découper pour la raconter dans le désordre le plus total, à la manière d'un Quentin Tarantino avec son film Pulp Fiction.

La structure de votre histoire, sous un aspect contraignant, est en réalité la construction de la cour de récréation dans laquelle vous allez vraiment pouvoir vous amuser, jusqu'au moment où vous vous sentirez suffisament prêt pour atteindre votre Graal personnel : le mot fin de votre histoire.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez des lectures sur le sujet, voici une petite bibliographie. À noter qu'e ce titres ne vous livrent pas de recette à suivre, mais abordent en revanche tous les points importants à maîtriser pour comprendre tous les aspects à envisager dans la construction de votre histoire.

• Le héros aux 1001 visages, Joseph Campbell. Editions J'ai lu, 2013 (10,00 €)

Un ouvrage classique du genre. Joseph Campbell est un universitaire spécialiste des mythologie. Il élabore la théorie du Voyage du Héros, et dresse le constat que l'ensemble des récits mythologiques du monde reposent sur un structure identique. Si l'ouvrage ne traite pas à proprement parler du l'art de raconter une histoire, il explore en revanche des aspects aujourd'hui largement utilisé par le cinéma hollywoodien, tout particulièrement grace à l'influence qu'il a eu sur le travail de George Lucas - qui a suivi les cours de Joseph Campbell -  pour la saga Star Wars.

• L'anatomie du scénario, John Truby, Editions Michel Lafont, 2017 (24,95 €)

John Truby est l'un script doctor les plus réputés du cinéma américain. C’est-à-dire un expert auquel un studio ou un producteur fait appel pour améliorer un scénario. L'ouvrage, bien plus méthodique que celui de Campbell, s'attelle particulièrement à la dimension émotionnelle et morale que peut prendre votre récit.

• Le scénario de A à Z, Luc Fouillard et Stéphanie Rubini, Lett Motif éditions (14.99 € - ePub, 26,00 € - Broché)

Peut-être l'ouvrage le plus complet sur le sujet. Il a le mérite d'être particulièrement clair et de s'adresser au plus grand nombre, accompagné des illustrations de Stéphanie Rubini.