LES MAÎTRES DE LA REALITE
Svetlana SVIRINA et Jean-Yves LE RUE
Mills of God
Though the mills of God grind slowly;
Yet they grind exceeding small;
Though with patience He stands waiting,
With exactness grinds He all.
Henry Wadsworth Longfellow
PROLOGUE
6 février 1970. Premières heures du jour. La nuit noire dissimule la steppe aux yeux importuns. Temps froid et humide. Un froid si intense qu’il pénètre en dépit des pelisses en mouton retourné et des bottes fourrées, mais on respire librement. Un vrai bonheur de respirer à pleins poumons sur une terre sans entraves ! Soudain, une faible bande rose déchire les ténèbres. Un rai de lumière gagne les collines tout là-bas à l’horizon, soulignant leur jolie courbe lisse. Puis, comme par enchantement, il révèle en de faibles lignes brisées de monolithiques structures cyclopéennes. Et à peine quelques secondes plus tard c’est au tour de l’ocre rose de venir jouer sur la route asphaltée, qui, droite comme une flèche, fend en deux la vaste steppe. À son extrémité se découpe la silhouette d’une imposante colonne fièrement dressée, dont la pointe effilée s’orne d’une étoile scintillante. UNE ÉTOILE À CINQ BRANCHES ! Et on croirait que, encore un peu, et la vie va jaillir, battre son plein, et se répandre sur tout ce vaste miroir. Mais non. Tout s’est figé, des contours des structures à l’horizon jusqu’à la colonne. Seul le rai de lumière, tremblotant, folâtre sur les soutènements d’acier blancs de givre, et plus que jamais brille de mille feux l’ÉTOILE ROUGE, impatiente d’envoyer son premier salut aux ténèbres. La colonne lui répond :
– 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1… Start !
Les poutres de force s’écartent brusquement, des panaches de vapeur blanche envahissent aussitôt l’espace, les tuyères crachent un feu volcanique et la fusée s’immobilise soudain en l’air, puis, mobilisant toute l’inertie accumulée, s’élance en une flèche aveuglante vers le ciel, ne laissant derrière elle que le vrombissement d’un avion de chasse passant à une vitesse supersonique et mettant en pleine lumière les observateurs retenant leur souffle. Puis l’obscurité engloutit de nouveau la steppe. Dans les ténèbres se détache nettement la fleur de feu s’éloignant.
Fendant l’espace, le vaisseau cosmique file loin de la terre vers les lointains du vaste univers, avec pour ultime point d’amarrage la Lune.
– Hauteur du périgée 275 kilomètres, hauteur de l’apogée 469… diffusées par les haut-parleurs se répandent à travers la steppe les exclamations enthousiastes couvrant les vifs applaudissements.
Mais le puissant abîme cosmique s’est emparé de la fusée : il ne l’a pas détruite, non, il l’a simplement engloutie, à jamais…
CHAPITRE 1. CONSUMOR ALIIS INSERVIENDO
– Qu’est-ce que l’acte ? Qu’est-ce qui révèle l’essence de l’acte ? Quel est le but de l’acte, si tant est qu’il en ait un ? En quoi réside le sens initial du passage à l’acte : dans sa causalité objective ou dans son vécu subjectif ? L’agréable voix courtoise de baryton légèrement voilée se tait.
L’écho seul résonne dans les travées. L’auditoire reste de marbre. Après une courte pause le jeune homme reprend :
– Le professeur Camus dans ses réflexions utilise comme numérateur le terme de “puissante quête psychologique“, c’est-à-dire l’évolution des authentiques fondements logiques susceptibles de générer la compassion de l’individu. En l’occurrence la notion de “quête psychologique“ inclut, au regard de la doctrine des écoles de droit de la société, la méthode stricte à même de caractériser l’acte : l’individu lui-même dans sa projection plane. Et si la “projection plane“ ne s’inscrit pas dans les normes généralement admises, elle cesse ipso facto d’exister en tant que mesure préventive. On peut à juste titre se poser la question : dans quelle mesure est légitime la méthode traditionnelle consistant à inscrire l’objet de notre étude dans des cadres désuets ? La question posée induit d’emblée le numérateur : “la puissante quête psychologique“ plus les principes traditionnels. Ici le jeune professeur Voloshkov Arsène Arcadievitch-Robertovitch marque une pause, avale une gorgée d’eau puis reprend d’une voix de basse.
– Avec le dénominateur les choses ne sont pas si simples, car c’est le noyau même de la cause avancée par les générations passées. Or les causes, comme vous le savez, Messieurs, elles sont… légion, or c’est la séparation de la cause directe de la conséquence qui est l’objectif principal du génopsychiatre. L’orateur jette un coup d’œil au public amorphe avant de reprendre son exposé.
– Vernadski affirmait déjà que la personnalité humaine, comme du reste tout dans le monde qui nous entoure, n’est pas le fruit du hasard mais bien le résultat du long cheminement de l’évolution des générations passées. Autrement dit, la connaissance de l’acte dépend de la connaissance de la cause qu’il recèle, et c’est la voie menant aux strates les plus profondes de la génopsychiatrie en particulier et de la nature humaine dans son ensemble. Nous sommes une partie indissociable de la nature et devons suivre ses lois qui, si paradoxal que cela puisse paraître, ne nous sont pas encore totalement connues. Cependant, dans ledit domaine de recherches il existe un lien intuitif suffisamment précis avec l’objet de notre analyse. On constate déjà, avant même l’administration de la preuve, une représentation intuitive, qui, dans la majorité des cas, se vérifie et de ce fait suggère l’idée de définir un domaine scientifique et de bâtir des méthodes de travail, dit en conclusion de la première partie de son exposé Arsène Arcadievitch-Robertovitch.
– C’est pure folie de vouloir fouiller dans le code génétique pour mettre en évidence les causes et conséquences chez l’individu transgressif ! éructe Monsieur Kolossov, vent debout, figé au garde-à-vous.
– Voilà qui va nous mener on ne sait où, à nous embrouiller les choses, et en fin de compte à embrouiller toute la société : les us et coutumes, les principes, la loi, sacrebleu, se sont mis en place de temps immémorial, dès les communautés primitives, poursuit-il, ponctuant son intervention de courbettes élastiques, les poings serrés sur les coutures du pantalon.
“Comme un marteau-piqueur“ ! se dit l’orateur, qui ne peut réprimer un ricanement intérieur.
– C’est trop radical et révolutionnaire. L’idée sent le soufre… ajoute, plus calmement, installé au poulailler et sans même se donner la peine de se lever, un monsieur d’âge moyen à barbe grise, élégamment taillée en pointe.
– Marginal ! lance quelqu’un de la galerie supérieure en face.
– Les gens n’éprouvent jamais de remords après leurs actes, devenus monnaie courante dans leur famille ! retentit au centre de la salle une nouvelle réplique franchement caustique.
“Mieux vaut subir d’injustes outrages qu’éprouver des remords justifiés“ se console Arsène Arcadievitch-Robertovitch, qui s’autorise un léger sourire.
– Le savant doit s’efforcer d’écouter toute proposition ou critique, objecte Arsène Arcadievitch-Robertovitch, mais je vous prie d’observer que j’ai entendu la colère de certains de mes contradicteurs, c’est pourquoi je tiens à assurer l’assistance que c’est pour la vérité que je débats et non pour moi-même. Je considère de mon devoir de vous rappeler, Messieurs, que la notion d’ingénierie génétique a fait son temps, au sens moderne de ce terme, poursuit imperturbablement son discours l’orateur.
– C’est une branche sans le moindre avenir, sur ce l’intervenant, les bras écartés, exécute lentement un tour de trois-cent-soixante degrés, scrutant attentivement l’auditoire, tâchant de contrôler la situation.
– Cela fait déjà longtemps que nous savons nous cloner, améliorant ainsi notre propre potentiel génétique, et, par voie de conséquence la notion d’égalité des sexes en est à sa phase finale : la question est close, il n’y a plus lieu d’en débattre. C’est un fait, la question ne se pose même pas, répond calmement Arsène. Pour autant l’humanité est-elle devenue plus humaine ?!… Question toute simple, mais primordiale. Pourquoi à ce jour des crimes au regard de la loi sont-ils commis ? De plus, toutes les sciences naturelles présentent l’inévitable défaut d’examiner la nature des choses exclusivement d’un point de vue objectif, négligeant le côté subjectif. Et si le côté subjectif du crime était occulté par les secrets de la mémoire génétique ? Pouvez-vous, Messieurs, répondre à cette nouvelle question épineuse ?
Silence total dans la salle.
– Je vous le concède volontiers, poursuit l’orateur, le progrès de la pensée scientifique est impossible sans le choc des opinions, sans les débats, les discussions et les nuances… c’est pourquoi je propose au président de la commission scientifique, le professeur Kliman, d’y répondre à la lumière des divergences apparues, au nom de la vérité, confirmée par la preuve.
Il s’ensuit une pause au cours de laquelle le professeur Kliman parcourt du regard tous les membres de la commission en émoi, et prenant un air inspiré, le front plissé, se frotte le menton, ébouriffant sa barbe chenue de ses longs doigts noueux. Son apathie trahit sa réticence à prendre position, mais comme tous les regards sont braqués sur lui, il ne peut se dérober. Les jambes croisées et les mains jointes sur sa poitrine, il se lance avec une certaine lenteur :
– Si la curiosité s’exerce sur des problèmes sérieux elle mérite déjà le nom de soif de connaissance. Mais l’idée qui s’impose à moi est que notre jeune homme s’obstine, pour ainsi dire, à jeter les bases d’un domaine, hélas, parfaitement dénué de perspective. J’ai eu l’occasion de collaborer avec le professeur Camus. Nous avons mené des recherches sur l’activation du plasmide mitochondrial pour la régulation de l’activité génétique de l’ontogenèse d’une sous-race humaine. Et curieusement, les expériences sur les animaux avaient donné de bons résultats, et nous avions réussi à recoder la biochimie du mécanisme interne de l’objet considéré avec des propriétés a priori favorables, cependant, sur des humains-clonés il n’a pas été possible d’activer une seule n.p. L’ADN exogène inoculé s’est répliqué comme s’il s’était agi du composant ordinaire d’un régime suppressif. Il a fallu isoler un nouveau sous-type de cellules : un hybride de génotype humain et animal. Sur plusieurs milliards d’échantillons il a été possible d’activer quelques n.p. Et vous êtes fondés à demander “chez qui“ ? Chez un paléanthropien primitif ! Nous avons mis du temps à comprendre pourquoi… En fait la réponse est venue bien plus tard. C’est ainsi qu’est née la pseudo-théorie de la “puissante quête psychologique“. La mémoire génétique n’a pas permis d’activer le code, nous étions dans l’impasse. Mais, au fil du temps j’ai compris que nous avions mis le doigt sur le fondement de quelque chose d’insolite et exceptionnel. Quant à répondre plus explicitement à la question posée cela ne relève pas de mon domaine de compétence. C’est, en quelque sorte, la vérité augmentée du doute, s’agissant d’une série d’énigmes. Par ailleurs, je vous prie d’observer que la question est trop vaste et polymorphe.
Le professeur croise les mains sur un genou et promène sur l’assistance un œil féroce :
– Je partage totalement le point de vue du contradicteur : la compréhension de l’acte dépend de la connaissance de sa cause et recèle en elle cette dernière. La cause dans le cas présent est assez clairement signifiée, mais, à mon tour, je ne puis qu’exprimer une part de scepticisme, qui permettra d’économiser du temps...
L’assistance, retenant son souffle, suit chacun des gestes de l’orateur. Dans leur regard on peut lire qu’ils avaient anticipé ce qu’allait dire le professeur.
– D’un côté, dans notre affaire l’originalité prime la justesse : la science aussi doit comporter une part d’absurde, je n’en disconviens pas, poursuit le président de la commission. Nous avons assez longtemps étudié la nature des choses à travers les relations financières ou informatiques des mondes virtuels. Il se peut que soit venu le temps de commencer à étudier l’essence des choses à travers le prisme de la “puissante quête psychologique“. De comprendre les causes de l’éclosion de la transcendance dans les strates génétiques. Il se tait, se gratte le menton et se fige, savourant ses propres paroles.
Une nouvelle tension gagne la salle et tous les auditeurs tentent inconsciemment de s’immiscer dans l’espace mental du professeur Kliman. Nulle réponse ne vient. Il règne un silence assourdissant. L’assistant du professeur Melkine, Arsène Arcadievitch-Robertovitch Voloshkov, remarquant l’absence de réaction de son contradicteur, tente de capter son attention.
– Vous ne condamnez aucunement ma vision de l’état des choses, bien au contraire, ne soulignez-vous pas la nécessité d’une démarche critique ? interroge-t-il prudemment.
– La première obligation du président de la commission, à mon sens, est de prononcer des mots de pure conviction, si amers soient-ils, pardonnez-moi. Comme on le sait, aucun problème ne saurait être résolu au même niveau que celui auquel il est apparu, poursuit le professeur Kliman avec emphase. Et pour l’avènement d’une nouvelle branche scientifique il faut une base non seulement scientifique, car toute recherche ultérieure découle des connaissances qui l’ont précédée, mais aussi juridique, et esthétique. Grand bien lui fasse, à la juridique ! Mais voici de quoi il en retourne, de même que les médecins prêtent le serment d’Hippocrate, nous autres géno-ingénieurs, à l’aube de notre carrière prêtons le serment bioéthique. De plus, depuis l’ère du monde virtuel, la bioéthique a subi des changements qui ne permettent pas de préserver l’idéal ancien : le culte de la connaissance pour la connaissance elle-même.
Le professeur parcourt l’assistance d’un regard attentif avant de reprendre :
– Je doute que l’étude hasardeuse du problème exposé supra soit compatible avec la bioéthique, qui joue le rôle de garde-fou et permet de développer la science afin de l’enrichir de connaissances utiles avec un minimum d’erreurs et sans outrepasser les droits et possibilités. Je m’en tiendrai à cette définition et suis d’accord avec le régime des règles établies de la société démocratique. Je veux préciser le sens de ce que je viens de dire plus haut et qui, même pour moi, reste quelque peu flou. Comme la conjonction du problème soulevé par mon contradicteur et des normes bioéthiques présente un caractère divergent, il ne suffirait pas d’une seule commission et d’un seul organisme de contrôle pour examiner ce qui vient d’être exposé plus haut. Aucune des recherches ultérieures ne doit être en contradiction avec les normes de la morale, car la morale, coupée de la vie, est amorale. Nous devons nous appuyer sur un équilibre raisonnable entre l’idée générale et l’objet concret de l’analyse, et loin de violer la nature, avancer à l’unisson et intuitivement avec elle, sans quoi nous aboutirons à ce dépravé de “Sharikov“ qu’il nous faudra consommer avec la bouillie, déclare solennellement le professeur Kliman.
De petits rires méchants s’élèvent çà et là dans la salle.
– Connaître c’est confirmer une position par des faits ou des déductions, sans compter que l’éthique scientifique exige des éléments probants… Vous me privez de cette possibilité, souligne prudemment mais fermement Arsène Arcadievitch-Robertovitch, de plus, prendre en compte les faits que je vous ai présentés à partir de mon activité expérimentale, et non de jugements fantaisistes, constitue la première exigence et de la science et de l’authentique morale…
– Hélas, les règles de la morale ne résident pas dans les connaissances relevant de la jurisprudence, elles se situent en dehors d’elle. L’activité sensée se distingue de l’insensée seulement en ceci, cher ami, que l’activité raisonnable classe ses raisonnements en fonction de leur portée et de leur importance, chaque chose en son temps, collègue. Et pour l’heure je vous renvoie à Dumas, qui est arrivé à la conclusion que toute la sagesse humaine tient en deux mots : attendre et espérer. Pour ma part je vais rédiger à l’intention du conseil général de bionique auprès du Conseil de Sécurité de la Terre une requête visant à évaluer le facteur sécurité de l’activité de votre laboratoire.
– Merci. Je travaille seul, j’ai juste besoin d’une autorisation pour utiliser du matériau biologique.
– Dans une demande de dérogation il faut mentionner précisément le domaine de recherches scientifiques. En avez-vous fixé le cadre, mon ami ?
– C’est un domaine qui n’existe pas encore, c’est la raison de votre présence ici.
– Vous ne manquez pas d’audace et vous entêtez dans votre raisonnement, collègue, cela tient au fait que vous ne connaissez pas les différentes voies que peut emprunter la pensée. Le chercheur doit posséder un flair pratique lui suggérant que de longues années durant le principal résultat de sa recherche sera non pas la découverte d’une loi quelconque ou bien, disons, d’une méthode, mais sa contribution à l’avènement d’une nouvelle idéologie, touchant, sinon toutes, du moins de multiples sphères de la vie. Il doit se plier au nouveau cercle d’idées et comprendre que s’il lui a été donné de surpasser ceux qui ont œuvré avant lui, le travail effectué servira inéluctablement de fondement à une avancée future, et, pourquoi pas, ouvrir la voie à un nouvel essor dans l’évolution de la vie sociale, et peut-être même politique, sur ce le président de la commission scientifique promène un regard pénétrant sur tous les membres de la commission.
– Y a-t-il des questions ?
Silence total dans la salle.
– Ma recherche prend sa source dans la réflexion, se construit rationnellement, en toute objectivité, rétorque calmement Arsène Arcadievitch-Robertovitch. Pour le moment elle ne trace pas les contours précis d’une théorie, mais elle endosse la pleine responsabilité pour la vie qu’elle côtoie, et incite à se consacrer à favoriser cette même vie.
– L’utilité et l’ambition de votre idée n’en démontrent nullement la justesse, exactement comme le bonheur que retire le fou de son idée-fixe ne parle pas en faveur de son bon sens, réplique le professeur avec un sourire mauvais.
– Merci, pas d’autres questions, répond Arsène Arcadievitch-Robertovitch.
– Je déclare close la séance du collège scientifique.
Les membres de la commission se lèvent précipitamment dans un froissement d’imperméables, de raclement de chaises, et prenant brièvement congé, se hâtent vers la sortie. En un rien de temps la salle est pratiquement vide.
– D’aucuns affichent de l’audace sans pour autant en avoir, mais il n’y a pas un être en mesure de faire montre de finesse d’esprit s’il n’est doué d’une subtile intelligence ! Sincèrement enchanté de faire votre connaissance, je m’appelle Francis Santos, se présente en souriant pensivement un monsieur de petite taille en tendant la main.
– Merci, je sais faire face aux coups, répond Arsène, accompagnant ses mots d’une solide poignée de main.
– Un exposé vraiment émouvant ! J’ai beaucoup apprécié. J’ai connu votre père. Lui aussi était en un sens un pionnier. Je suis ravi qu’il ait un fils si intrépide !
– Je n’ai plus mon père.
– J’en suis navré. Mais vous savez, quiconque est animé du désir de trouver la vérité, se fraiera lui-même la bonne voie, les sermons ne lui seront d’aucun secours, seuls l’inspireront le modèle à suivre, le feu sacré intérieur, dont faisait preuve votre géniteur. Du reste, par son exemple il a démontré qu’il valait mieux tenir le bon cap en solitaire que de s’égarer dans la foule… Coragem ! dit le nouveau venu en s’éloignant sans hâte.
Arsène Arcadievitch-Robertovitch reste seul au milieu de la salle ronde, promenant son regard d’un objet à l’autre. L’hologramme scintille de tableaux verts, invitant la salle vide à un spectacle captivant. Arsène Arcadievitch-Robertovitch prend physiquement conscience d’être entouré d’innombrables ennemis, tous ligués contre lui.
“C’est ça, oui, c’est bien ça. Il y a bien une part de folie dans tout cela“… remarque-t-il machinalement en son for intérieur.
– Donc la très respectable commission ne veut pas poursuivre la voie menant aux strates les plus profondes de la nature humaine ? s’écrie l’intervenant dans le vide en s’inclinant théâtralement.
Arsène Arcadievitch-Robertovitch démonte la projection qui avait été planifiée avant de s’éclipser à son tour.
[...]